New-Orleans

BENNY CARTER

Charlie Parker fut l’initiateur du Be-Bop avec Dizzy Gillespie et Thelonious Monk pour ne citer qu’eux. Sur ce nouveau chemin harmonique qui est une révolution du Jazz, d’autres saxophonistes s’y insérèrent, comme Sonny Stitt ou l’altiste Benny Carter, notre sujet d’aujourd’hui.
La particularité de ce musicien est d’abord la longévité de sa carrière : il la commence dans les années 20, avec différents groupes de New Orleans. Il est aux côtés du pianiste Earl Hines, du trompettiste June Clark puis intègre le groupe du pianiste Charlie Johnson.
En écoutant “Hot Tempered Blues” de 1928, je trouve une certaine clarté dans les clarinettes de Benny.
L’altiste arrange des mélodies pour le band de Fletcher Henderson et la version de “Limehouse Blues” sur un tempo up, avec des salves de cuivres flambantes et légères à la fois.
Dans sa carrière en solo, il joue avec de nombreux grands artistes.
Sa sonorité est souple et moelleuse dans le “Alone Together” du quartet d’Oscar Peterson.
Le clin d’oeil à Bird me paraît évident lorsqu’on écoute ce souffle raffiné et ces cordes tisser des voiles d’une douceur absolue.
Les phrasés sont agrémentées de chromatismes qui embellissent le discours.
Le saxophone nous berce par sa sonorité sur “Round Midnight”. J’aime les articulations chez ce saxophoniste, qui est l’un des plus illustres représentants avec Johnny Hodges.
En 1955 il enregistre avec Roy Eldridge “Urbane Jazz”.
Les phrases sont mélodieuses, swinguantes et ensoleillées par leur fluidité.
Du romantisme se dégage de son interprétation du thème “I Remember You”.
Le dynamisme de la Soul s’entend sur “Close Your Eyes” .
Benny Carter avait cette faculté de s’approprier les styles, le New Orleans, le Swing et le Be-Bop.
En 1958 il publie aussi “Jazz Giant”, entouré d’un groupe prestigieux : Frank Rosolino au trombone, Ben Webster au sax ténor, Shelly Manne à la batterie, André Previn et Jimmy Rowles au piano, Barney Kessel à la guitare et Leroy Vinnegar à la contrebasse. La section rythmique insuffle un swing pour que les solistes s’expriment. Écoutez sur “Blue Lou” la section de cuivres intervenir en riffs qui rebondissent.
Le dernier morceau est “Blues My Naughty Sweetie Gives To Me”, une mélodie sur un swing tonique et qui, pour le piano, ressemble à du ragtime. Benny Carter est un passeur de témoins, l’un des acteurs principaux du jazz ayant traversé pendant 70 ans l’histoire du Jazz.
En 1958 toujours, le saxophoniste enregistre un hommage à Cole Porter en interprétant deux comédies musicales, “Can Can” et “Anything Goes”, des mélodies intemporelles qui traversèrent l’histoire du Jazz.
Benny a le langage Be-Bop, les articulations sont limpides, les phrases sont chromatiques.
Un mois après ces enregistrements, Benny enregistre “Aspects” en Big Band dans lequel jouent des musiciens prestigieux comme Pete Condoli à la trompette, Buddy Collette au saxophone ou Larry Bunker au vibraphone et au bongo. Les orchestrations sont dynamiques, les trompettes incisives et les saxophones moelleux comme sur “March Wind”. L’alto s’envole par ses notes légères. La version de “I’ll Remember April” offre un bouquet sonore majestueux.
Si le saxophoniste participa au New Orleans, il acquit aussi le langage Be-Bop.
L’altiste était aussi trompettiste au son feutré sur le morceau “All Alone”.
Sur le disque “Sax Ala Carter” en 1960, le son du saxophone est sans reverb. On entend la douceur de Jimmy Rowles au piano, ainsi que le swing tout en finesse de la batterie et de la contrebasse.
Je découvris ce jazzman en écoutant l’album “Further Definitions” sorti chez Impulse en 1961. Vous entendrez le swing haletant de “Honeysuckle Rose”.
Les cuivres sont langoureux sur le titre “Midnight Sun”, écrit par Quincy Jones.
Les cuivres sont délectables également sur l’interprétation de “Body And Soul”.
Benny Carter était imprégné du Swing, même s’il phrasait Be-Bop. Le son de l’alto était rond moelleux et lumineux.
Benny Carter joua avec un très grand nombre de musiciens. “Further Définitions” en est une illustration. Au cours de cette session sont réunis : Coleman Hawkins, Phil Woods et Charlie Rouse, Bud Shank et Bill Perkins.
Sa session en 1976 “The King” en compagnie de Milt Jackson, Tommy Flanagan, Joe Pass est une ode au rythme swing. Sur le plan esthétique, on se situe entre Swing et Be-Bop.
La même année, le saxophoniste altiste rencontre le trompettiste pour une réunion au sommet. Le son feutré de la trompette ces notes incisives se marient bien aux notes souples de l’alto qui rebondissent sur le morceau “Broadway”.
Du morceau “Constantinople”, on entend l’alto dérouler des notes rondes et chaleureuses.
En 1977, il joue au Japon entouré d’une section de cuivres de haut vol. Au sax, Budd Johnson, au trombone Britt Woodman, au baryton Cécil Payne et aux trompettes Joe Newman et Cat Anderson.
Son quartet “Live Montreux’77” est aussi une ode au swing.
Dans l’album de 1980 “Summer Sérénade”, l’altiste déroule des phrases lumineuses. “Indiana” est un standard ancien où l’on entend le New Orleans, le Swing. Les notes se posent en douceur au cours du morceau “Almost Being in Love”.
Le son est très séduisant sur “Summer Sérénade” le saxophone a un son bien enrobé.
“When Ligts Are Low” est l’une des compositions originales du saxophoniste que Miles Davis reprendra dans les sessions intitulées “Cookin”.
L’altiste invitera Scott Hamilton un autre saxophoniste à jouer sur ”A Gentleman
And His Music” en 1985.
En 1987, l’altiste croise ses notes avec le chanteur Billy Eckstine et Helen Merrill pour une session des plus soyeuses et délicates. Benny aimait orner les lignes vocales par des phrases douces de sax comme c’est le cas sur “Summertime”.
La même année, il partage l’affiche aux côtés d’Oscar Peterson et de Joe Pass autour des standards. Ces musiciens sont des passionnés de l’histoire de ce jazz ancré dans des morceaux qui sont des trésors à entretenir.
Ce saxophoniste était animé par le bonheur de swinguer de jouer des notes en finesse, sans jamais être excessif sur le son, qui reste toujours d’une belle rondeur.
Avec Ray Brown et Oscar Peterson, on entend les notes du saxophone bien interagir.
A la même époque, l’alto se joint à Phil Woods pour un très bel album, dans lequel les voix des altos se conjuguent. Les contrechants sont harmonieux, les solos palpitants.
Jusqu’à la fin de sa vie, Benny Carter rendra hommage aux standards. Le disque “Harlem Renaissance” est un projet en Big Band. Les arrangements sont précis et soignés.
En 1993, il converse avec l’un des plus grands pianistes de jazz de la période Be-Bop, Hank Jones, sur “New York Nights”. Écoutez “Sunset Glow”, le son de sax est hypnotique.
En 1996, il invite des vocalistes de renom comme Diana Krall, Dianne Reeves, Shirley Horn pour les femmes, mais aussi Joe Williams et Jon Hendricks pour les chanteurs.
La voix de Joe Williams est intacte et le sax crépite pour la plus grande joie de nos oreilles.
Tout au long de sa carrière, Benny arrangea pour des stars comme Count Basie, Sarah Vaughan ou Ella Fitzgerald.
L’écriture s’inscrit dans la tradition des grands orchestres de swing à la Count Basie. La musique du saxophoniste était enjouée et optimiste par les différentes voix des cuivres.
Soliste de grande qualité, sa carrière se caractérise par sa longévité. Il a su passer du Swing au Be-Bop, un virage que tous les musiciens n’ont pas su forcément prendre.

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LE QUINTET DU HOT CLUB DE FRANCE

Ce groupe célèbre fut créé au milieu des années 30 par l’association du Quintette du Hot Club de France dont les fondateurs étaient Hugues Panassié, Charles Delaunay et Pierre Nourry. Cette association a pour objet la promotion du Jazz. Ils montent donc un quintet, fondent le magazine Jazz Hot.
Au sein de cette formation musicale on trouve deux grands solistes Stéphane Grappelli et Django Reinhardt. La formation jouera pendant une dizaine d’années jusqu’ au milieu des années 40. Ils sont en tout trois guitaristes, Django son frère Joseph et Roger Chaput. Louis Vola tenait la contrebasse.
Le quintet effectuera une synthèse du Ragtime et du New Orleans et mettra en avant les solistes prodiges.
La pompe manouche assure la rythmique pendant que les solistes talentueux déroulent des phrases limpides qui illustrent la virtuosité des musiciens. En matière de tempo, ils peuvent être très rapides voire hallucinants à l’image de la chanson « Tiger Rag » enregistré en décembre 1934. Avant les improvisations, les phrases jouées au violon s’immiscent des phrases de guitare de deux mesures.
Si vous écoutez un titre comme « Dinah » enregistré à la même époque, il est difficile de distinguer un thème, dans la mesure où la guitare et le violon partent dès le départ dans des interprétations, qui sont déjà les prémices d’une improvisation.
Après quelques notes de guitare, le violon entonne la très jolie mélodie de « Confessin ».
Les structures sont souvent de trente deux mesures, le guitariste et le violoniste sont au centre de la formation. Les morceaux qu’ils jouent deviendront des standards du Jazz et souvent joués par les héritiers du style manouche.
Très souvent, la façon d’accompagner est la pompe qui consiste comme un bassiste ferait une walkin bass, à plaquer les accords sur chaque temps. Les phrases qui sont jouées sont une révolution pour l’époque, la dexterité, l’assise rythmique impressionnent.
De cette musique manouche, se dégage de la bonne humeur comme de l’insouciance années 30 en France.
En 1935, la composition « Blue Drag » est une jolie mélodie qui oscille entre mélancolie et joie. Le violon et la guitare jouent chacun une partie ce qui donne lieu à une harmonisation.
Le tempo up de « Swanee River » donne au morceau un côté amusant, celle d’une musique de film ancien, dont les images défilent en vitesse accélérée. Les notes que le violon et la guitare jouent à la fin imitent le bruit d’une locomotive.
Les trémolos de guitare et de violon me font penser au bruissement des trains de l’époque..
Au cours du morceau « Ultrafox », la phrase entre 2’03 et 2’06 montre la technique de ce prodige de la six cordes. La douceur de la mélodie. « Chasing The Shadows » est une mélodie douce dont les notes nous parlent de joie et d’insouciance.
Comment ne pas parler du morceau « Djangology » ce thème au swing sautillant et aux phrases clairvoyantes et techniques.
Nous sommes en 1936 et le quintet reprend « Limehouse Blues », encore un morceau sur lequel les deux solistes s’en donnent à coeur joie.
Autre grand standard que le groupe reprend dans un tempo cool mais plus rapide que celle qu’on connait de Ray Charles, la chanson « Georgia On My Mind » de Hoagy Carmichael. Le Hot Club accueille le chanteur Freddie Taylor.
Pour cette seconde partie de chronique, il me semble intéressant de faire un focus sur les compositions originales.
Dans un style plus calme et en dehors du Swing, la chanson « Tears »de 1937 nous emmène vers un sentiment d’allégresse. Le violoniste ne rejoint le guitariste qu’à la moitié du morceau une mélodie poignante.
Les musiciens arrivent à se rapprocher d’un son de locomotive à l’aide de leurs guitares. « Mystery Pacific » illustre le fait que le manouche reprend les bases rythmiques de la main gauche du piano, pendant que le violon et la guitare sont sa main droite. La vélocité est étonnante et le tempo également.
Le thème au swing apaisant sur un mode mineur qui n’est autre que « Minor Swing », laisse entendre un solo de guitare qui est un modèle. Django combine en effet le côté mélodieux avec du swing, tout en y mettant du jeu en octaves.
Le violoniste expose le thème « Paramount Stomp », au cours duquel vous pourrez entendre l’effet de vibrato que crée le violon à 0’57.
Romantisme et tendresse lorsqu’on écoute « My Serenade ». Le thème « Souvenirs » exposé à la guitare rend le toucher encore plus raffiné qu’auparavant.
En 1938, le Hot Club enregistre à Londres. « Daphné » un thème qui va à tout allure et qui semble avoir à la fin des cycles une marche harmonique ressemblant aux dernières mesures de « Oh When The Saints Go Marchin in ».
Un Clin d’oeil est fait à « Stompin At The Savoy » avec le titre « Stompin’ At Decca » qui met le tonus.
« Swing From Paris » démarre par une introduction de contrebasse. Le thème est tout simple et débouche sur des solos au son clair, détaché au cours duquel le sens de la mélodie est aigu.
« Appel Indirect » est un motif que Django s’amuse à reproduire en le déplaçant d’un demi ton. « Hungaria » commence par des jolies harmoniques, auxquelles le violon succède.
La mélodie très agréable à écouter est « Swing 39 » qui tourne autour d’un motif qui se répète.
« Twelfth Year » a de nombreux accents d’Europe de l’Est.
Quand j’écoute l’introduction de « Stockholm », cela me rappelle l’introduction d' »All The Things You Are ».
Pour le morceau « Rythme Futur » on entend une intro de guitare très nerveuse sur un tempo brûlant. Stéphane Grappelli ne joue plus dans l’orchestre et celui qui le remplace est le clarinettiste Hubert Rostaing. Le thème a des couleurs orientales mais ce qu’on note c’est la modernité du jeu et des intervalles que Django va chercher.
Le titre « Blues » a effectivement des couleurs Bluesy, la clarinette s’envole avec en fond une rythmique qui accentue les second et quatrième temps.
Très jovial est le « Swing 41 ». La composition emblématique « Nuages » commence de façon mystérieuse. La clarinette entonne ce très joli thème. Le solo commence par des harmoniques artificielles ce qui donne un exemple de variété dans le jeu de ce guitariste de génie.
Avec le titre « Vendredi 13 », les phrases de guitare et de clarinette sont amusantes.
Swinguant sur la pointe des pieds, on entend une clarinette très douce sur « Mabel » et une guitare au son fin.
« Swing de Paris » en 1940 est lancé par la contrebasse que la guitare vient rejoindre.
« Swing 42 » est aussi une mélodie qui entraîne. « Belleville » est choisi pour le titre d’une composition pour faire un clin d’oeil à ce quartier bien connu de la capitale. La fin de « Lentement Mademoiselle » est proche du Tango.
Si « Douce Ambiance » est un thème convivial, « Manoir de mes Rêves » apaise tout autant.
En 1946, Stéphane Grappelli revient et on peut entendre entre autres « Django’s Tiger ». En 1947 le guitariste compose « Porto Cabello » qui démarre dans le calme et qui continue avec un tempo pied au plancher.
Le Quintet joue « Duke And Dukie » qui démarre avec des accords puissants. Django écrit une composition pour son fils Babik intitulée du même nom. Le batteur introduit le thème puis commence la mélodie à grande vitesse jouée par la guitare et la clarinette.
Plus cool est la composition « Del Salle » au cours de laquelle la guitare prend une trajectoire de notes peu commune.
Le swing bien rond sur « Folie A Amphion » stimule le groupe qui accompagne les solos tous aussi grandioses les uns que les autres.
Le guitariste joue avec une attaque nerveuse le morceau « Django’s Blues » tandis que le clarinettiste joue plus en douceur.
Enfin nous terminerons cette présentation par le morceau « Diminushing » fait d’accords diminués
Si le Quintet du Hot Club de France met à l’honneur les grands solistes Stéphane Grappelli et Django, c’est le guitariste qui est la vedette.
Leur musique du Jazz manouche avec son énergie communique de belles ondes celles de la bonne humeur. Entre virtuosité et feeling ce répertoire et leur interprétation reste un trésor du patrimoine jazzistique Français.
Ce quintet du Hot Club De France est le premier grand groupe de l’histoire du Jazz Français à représenter les couleurs du Jazz.