Sur la route du Jazz

Hard-Bop

JOHNNY COLES/ TROMPETTE HARD BOP

Il y a quelques semaines, je présentais Dizzy Reece trompettiste de la période Hard Bop.
Sur cette route du Jazz truffée d’artistes appartenant à différents courants, nous nous arrêtons sur un autre trompettiste, Johnny Coles que je découvris en écoutant son album « Little Johnny C ».
Parlons d’abord de l’album « The Warm Sound » en 1961.
La sonorité de Johnny éprise du Blues s’entend dès les premiers instants, une sonorité feutrée qui sert des phrases aiguisées. Cette trompette imprégnée de Hard Bop entonne une mélodie des plus suaves intitulée « Where ». Sur un tempo cool, les notes sont emplies de Soul. La finesse du son ne fait qu’accentuer cette idée d’envol que l’on entend chez la trompette de Johnny.
Le Blues est très présent dans le jeu du trompettiste comme on peut l’entendre sur « Come Rain Or Come Shine ». Les notes aiguës sont un vrai régal. « Hi Fly » est une illustration du jeu espacé.
Les phrases clairvoyantes sont ponctuées d’accents Blues magnifiques.
Sur « Pretty Strange », savourez le jeu subtil, la sonorité moelleuse de la trompette.
Si on écoute l’album « Little Johnny C », on entend la tournure esthétique vraiment Hard Bop.
Démarrant sur les chapeaux de roue on entend une intro de Duke Pearson suivie d’une exposition du thème par le saxophone et la trompette. Le son est tranchant, la technique impressionnante.
La seconde composition « Hobo Joe »est assez latin mêlée à de la Soul. Le médium swing du titre « Jano » et la légèreté du jeu de trompette en font une séquence délicate.
En 1971, il réalise » Katumbo » un projet qui prend une tournure Soul Funk même si le clavier électrique sur le premier morceau crée quelque chose d’apaisant. La mélodie de « Never Say Goodbye » est au centre de la musique un thème doux orné par des arrangements de cuivres tout aussi doux.
Le tourbillon sonore de « 728 » nous emporte et nous touche par les différents cuivres qui se croisent et se recroisent. Les interactions des différents cuivres sur « Petits Machins » sont étincelantes. La trompette rebondit à merveille sur la rythmique. Si lunaire est la trompette le saxophoniste lui est plus incisif.
Dans les années 80 le trompettiste signera « New Morning » chez Criss Cross.
La mélodie « Super 80 » porte en elle le raffinement et l’élégance. L’improvisation de trompette est aérée, la notion d’espace domine le climat de ce solo.
Le second morceau est une ballade comme je les affectionne. Les accords de piano romantiques ornementent la mélodie de la trompette.
Sur le titre suivant « Mister B », la trompette joue une introduction et emmène le groupe vers la voie du Swing.
Le morceau éponyme commence par une tension jouée par le piano et la contrebasse. Cette dernière part en walkin bass puis le thème de la trompette arrive. Cette sonorité particulière et ces accents orientaux sont servis par des phrases au swing puissant.
L’artiste le plus emblématique que le trompettiste ait accompagné est sans doute Charles Mingus, contrebassiste et personnage hors normes. Les compositions sont une succession de différents mouvements. « Fables Of Faubus » illustre à merveille ce propos. La trompette assure la voix principale tandis que la clarinette et le ténor ne déroulent une toile mystérieuse. Tantôt le rythme s’emballe, tantôt il s’apaise. La trompette prend une autre dimension, installe un discours méditatif.
Trompette intimiste sur « Orange Was The Color Of Her Dress ».
Les notes de la walkin de contrebasse sur « Meditations » sont un véritable souffle qui transcende les solistes et notamment la trompette, qui s’envole vers une esthétique Free par moments.
La couleur du Blues, Johnny l’avait dans les veines lorsqu’on écoute « So Long Eric ».
Les phrases déliées le Swing est servi à merveille sur « Irish Eyes Are Smiling ».
Le trompettiste sera aux côtés de Charlie Mingus pour d’autres albums notamment le « Town Hall Concert ».
Il accompagnera aussi Grant Green sur « Am I Blue ». Johnny se lance déroule une belle improvisation sur « For All We Know » un solo en simplicité dont les croches sont enthousiasmantes.
Le trompettiste partagera l’affiche avec Donald Byrd aux côtés de Duke Pearson.
Chez Blue Note il sera aux côtés du saxophoniste Tina Brooks pour un disque intitulé « The Waiting Game ». Cette session est imbibée de Blues dès le début, même si les accents Be-Bop sont nombreux.
La pianiste Geri Allen en 1996 fera appel à lui en 1996 pour son disque enregistré en live intitulé »Some Aspects Of The Water ». Johnny est d’une tendresse absolue dans l’interprétation d’un grand standard « Old Folks ».
La trompette s’envole au cours du morceau « Some Aspects Of Water ».
Au cours de ces collaborations en sideman, le solo le plus lunaire et le plus mélodieux est peut être celui que le trompettiste joue sur la composition « I Have A Dream » signé Herbie Hancock.
Contemporain d’un autre grand trompettiste à savoir Kenny Dorham, Johnny Coles a été l’un des grands visionnaires de la trompette. Les phrases sont toujours bien détachées et fluides. Capable d’envolées lyriques, il fut un musicien épris d’un Swing indéfectible.

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LA TROMPETTE DE DIZZY REECE

Le trompettiste estampillé Hard Bop enregistra quelques grands disques dans les années 60. Les plus connus sont notamment ceux gravés chez Blue Note quatre albums

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Il était l’un des grands artisans du Post Bop. Yusef Lateef saxophoniste et flûtiste, participe à ce Jazz épris de spiritualité et de couleurs orientales.

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Le vibraphoniste réalise en 1960 et en 1961 deux sessions qui apparaissent être à contre courant du mouvement de l’époque, fortement imprégnée de Hard Bop.

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Roy Brooks originaire de Détroit fut batteur d’Horace Silver de 1959 à1964. Son jeu très dynamique se rapproche de celui d’Art Blakey par la fougue

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Un post Hard-Bop au hasard​

SONNY ROLLINS/ the freedom suite

Charlie Parker a eu deux héritiers dans la période post bop, deux saxophonistes ténors, John Coltrane et Sonny Rollins. Si le premier est un géant le second est un colosse, d’après leurs surnoms respectifs utilisés pour le titre de leurs albums. L’un comme l’autre ont acquis le langage basé sur l’usage des arpèges et des articulations chromatiques. Sonny à la sonorité métallique et puissante, creuse dans l’harmonie pour sortir des phrases grandioses avec une technique fulgurante. À l’aise en trio, le saxophoniste a réalisé quelques enregistrements dans cette configuration, saxophone, contrebasse, batterie. Écoutons cet album « Freedom Suite » datant de 1958. Seule la composition éponyme est signée de Sonny. Ce morceau de presque 20 minutes, est un thème construit sur une phrase simple et courte, jouée au saxophone, sur laquelle rebondit la contrebasse et la batterie. L’autre partie est plus be-bop dans l’esprit. Le saxophoniste a toujours des idées novatrices, et s’envole comme un oiseau, grâce aux phrases joyeuses. La contrebasse ne cherche pas la complexité mais développe des motifs simples. A 7’52, le saxophoniste entame un second mouvement plus dynamique sur une mesure en 6/8. Sur un tempo plus cool, le trio joue en mode ballade, dans une grande décontraction. Oscar Pettiford très mélodique a un son bien rond, les balais de Max Roach interviennent avec discrétion. Le souffle du colosse captive. Le rythme ternaire revient à 15’06. À 16’07 le trio s’enflamme dans un tempo effréné jusqu’à la fin du morceau. La suite est constituée de standards. « Someday I’ll Find You » commence en valse et se poursuit par un swing au tempo medium sur une métrique en quatre temps. Sonny trouve toujours des phrases variées. Le contrebassiste montre toute son agilité. Le sax et le batteur construisent un dialogue où chacun joue un motif très court d’une mesure. « Will You Still Be Mine » fait monter la température par le tempo medium up. Les phrases fluides be-bop donnent le vertige. La ballade fine « Till There Was You » nous emporte par la douceur du dialogue entre le saxophone et la contrebasse. Le son de Sonny est plutôt du velours. Le contrebassiste déroule des phrases aux notes d’une grande justesse et d’une grande précision. L’autre prise de ce morceau lent, manifeste de la grande variété du jeu. La clôture de la session se fait sur une valse délicate à la très jolie mélodie, qui exprime l’insouciance la gaieté et la joie de vivre. Le saxophoniste joue un solo tout en retenue, et la métrique devient à quatre temps pendant l’impro de contrebasse et de batterie.