Sur la route du Jazz

Latin-Jazz

ARTURO SANDOVAL/ EMBLÈME DE LA TROMPETTE CUBAINE

Cuba est une pépinière de musiciens exceptionnels, quelle que soit la génération et quels que soient les instrumentistes. Arturo Sandoval, très grand trompettiste, est peut-être le virtuose de cet instrument à Cuba. Membre d’Irakere il est aussi un grand musicien de Be-Bop.
Une technique grandiose et une sonorité feutrée sont les caractéristiques de ce trompettiste Cubain. Il apprend les percussions et se tourne vers la trompette.
Il admire les grands maîtres, Dizzy Gillespie, Clifford Brown, Clark Terry.
J’écouteTuri” son album de 1981 dont le premier titre “Luna De Miel En Guama” ressemble à de la musique produite par CTI. Le thème me fait penser à une bande originale de films des années 70. L’effet de la reverb accentue la sensation d’espace que crée la trompette dont les notes sont explosives. Quelle nervosité dans les aigus.
L’ambiance du second morceau “Claudia” est Mambo. Le son d’Arturo a le soleil en lui.
Le trompettiste Cubain rend hommage à deux de ses maîtres Clark Terry et Dizzy Gillespie au cours d’un Blues qui leur est dédié. Il joue avec la sourdine et avance tel un chat sur le fil que représente la ligne de basse. Après un solo de contrebasse, le trompettiste enchaîne sur les chapeaux de roue par des phrases Be-Bop brûlantes.
Les effets de reverb, Arturo les aime si vous écoutez les premières secondes de “Maria”
“Turi” est un thème qui emplit de joie un calypso dont la structure est assez rare. Une première partie un A de 14 mesures un B en seconde partie de 20 mesures un A de 16 puis un B de 24 mesures. La trompette joue en finesse sans technique excessive. Les phrases sont mélodieuses, j’entends tout de même quelques envolées et des débits intenses. Le choix du clavier Rhodes apporte de la douceur.
Une toile de cordes se déploie en introduction de “La Bikina” album intitulé “Arturo Sandoval Y Su Grupo”. Le trompettiste inclut toujours des nappes de cordes qui accompagnent tout au long du morceau. Chanson d’amour “Te Quiero” qui laisse s’échapper des notes émouvantes.
La tonalité du disque est plutôt romantique avec des passages nostalgiques maussades.
En 1982, Arturo invite Dizzy Gillespie pour un sommet de trompette. Pas de duel une complicité entre le maître et le fils spirituel. Le piano plaque un accord assez lourd toutes les deux mesures. A très grande vitesse les trompettes partent sur des chemins Be-Bop.Il me semble que le premier trompettiste à improviser est Dizzy le son est feutré. Arturo Sandoval a lui un son plus explosif. Le rythme du second morceau est ancré dans l’esprit Cubain au cours duquel les deux trompettes s’appellent et se répondent.
En plus de la grande maîtrise technique le trompettiste insère des passages de Blues.
Le son de Dizzy est un peu plus étouffé et feutré, tandis que la sonorité d’Arturo est plus extravertie.
Écoutez le climat Cubain qui accompagne ces deux musiciens virtuoses sur “Rimsky”.
L’album se termine par un morceau qui puise dans le Blues où les notes aiguës explosent.
“Beyond The Sound Barrier” est un live à Chicago. La trompette repousse les limites de la tessiture par des notes aiguës.
Le trompettiste Cubain enregistrera pour GRP en 1991 et 1992. Il fera d’ailleurs partie du All Stars de Dave Grusin.
Sur le disque “Flight To Freedom” on reconnaît la frappe de Dave Weckl. Les cuivres et la rythmique nous clouent par la précision et les motifs qui se dégagent.
Le son de trompette peut gêner plus d’un car le musicien joue sur la dynamique. Il peut être emporté par sa technique époustouflante.
“Caribeno” est un morceau Cubain mais les lignes mélodiques des cuivres sont articulées par des chromatismes. Sur ce rythme binaire l’esthétique est Be-Bop.
Arturo peut être aussi dans la douceur si vous écoutez “Samba de Amore”.
La flûte et la trompette forment une ligne mélodique très moderne. La sonorité de la trompette semble avoir un harmoniseur.
L’ambiance est à la fête lorsqu’on écoute”Caprichosos de la Habana”. La trompette joue ce thème des plus sambas, accompagnée par une rythmique qui vous fera bouger sans aucun doute.
Sur son disque d’hommage à Clifford Brown “I Remember Clifford” Arturo reprend “Daahoud” un thème dont la première partie est complexe en raison d’un accord tous les deux temps sur un tempo up. La précision du trompettiste est impressionnante, les notes sont toujours exécutées parfaitement et le placement irréprochable.
Cet album est un retour aux sources à une des musiques qui l’inspire, le Be-Bop qu’il lie avec les rythmes de Cuba.
Le trompettiste reprend “Joy Spring” sur un tempo tranquille. Le ténor joue le plus souvent des phrases en croches. Les trajectoires de mélodies dans l’improvisation sont intéressantes. L’enchaînement des notes du solo est impressionnant, époustouflant de technique et de précision.
L’introduction du disque “Danzon” nous plonge, lui, dans un climat beaucoup plus axé vers l’ Afro Cubain. L’introduction est un torrent de percussions. L’empreinte sonore d’Arturo repose sur le son feutré et les notes aiguës.
“Africa” est un thème qui évoque les racines mais sonne Jazz électrique. Le trompettiste s’envole ensuite vers les chemins du swing.
La reprise de “Groovin High” est d’une énergie énorme dûe aux salves de trompettes et saxophones. Ce morceau de Dizzy Gillespie est revisité à la sauce Cubaine.
“A mis Abuelos” est un hommage rendu par le trompettiste à ses aïeux dans une esthétique Flamenco où la guitare plaque les accords et les notes simples.
Au cours de ce morceau, le Big Band nous emmène subitement à Cuba pour une musique détonnante.
Le trompettiste aime les sonorités acoustiques mais aussi les arrangements à base de synthés et de basse électrique. “Danzon” est une mélodie qui s’inscrit plus dans la musique traditionnelle Cubaine. Sur “Suavito”, les riffs sont de véritables motifs mélodiques.
Cet album contient une variété de rythmes Cubains. “Guaguanco” est un festival de percussions. Le Smooth se profile sur le morceau “Coconut Grove” avec en fond des synthés.
Sandoval aime varier les climats entre les albums. Du traditionnel Cubain à des morceaux plus groove, il sait swinguer comme les grands maîtres. Pour l’album “Swingin’” il s’entoure de Jazzmen de premier plan. Au piano Joey Calderazzo, au sax Michael Brecker selon les pistes et à la contrebasse John Patitucci.
La clarinette et la trompette interprètent le thème “Swingin”’ aux allures Be-Bop.
Le thème “Real McBop” met en lumière toute la virtuosité de la trompette et du ténor. Les débits de notes sont d’une intensité incroyable. Ecoutez la mélodie plus langoureuse “Streets Of Desire” sur laquelle Mike Stern vient poser ses notes délicates.
Le morceau d’ouverture de l’album “Hot House” est un thème qui donne l’énergie entre Cubain et groove Funky. Les sections de cuivres tapissent le thème et les solos de riffs syncopes.
Le style laisse dégager un grand lyrisme si vous écoutez “Rythm Of Our World”extrait de “Hot House”.
Les riffs des cuivres étincelants ornent les différents thèmes.
Toujours en Big Band Arturo écrit des thèmes qui ont le soleil en eux.
Sur “A Gozar” extrait de “Rumba Palace” la musique revient aux traditions elle est plus acoustique.
Changement d’ambiance avec l’album “A Time For Love”. Les cordes tissent un voile très doux qui enrobe la trompette éprise de romantisme et de nostalgie.
Le trompettiste effectue un retour au Be-Bop en 2012 en réalisant un hommage à son mentor Monsieur Dizzy Gillespie.
Le Big Band est détonnant, la formation impressionnante regroupant dix saxophonistes, cinq trombones et cinq trompettes.
Hormis les thèmes connus, “Salt Peanuts” “Night In Tunisia” ou “Be-Bop” les autres compositions de Diz sont empreintes de la tourne Cubaine.
La conclusion est un hommage à Dizzy, un morceau original chanté par Arturo. J’entends les cordes jouer l’introduction de “Round Midnight” puis la voix du trompettiste qui s’impose avec classe
Notons que le trompettiste Cubain fut membre d’Irakere, groupe d’All Stars avec entre autres Chucho Valdes, Paquito D’Rivera. J’avais parlé de cette formation en septembre dernier en soulignant quelques albums.
Il sera sideman de nombreux artistes et sera sollicité pour des sessions de pop et variété.
En petite formation ou Big Band, ce trompettiste peut être une tornade sonore par ses notes aigues et feutrées. Maîtrisant aussi bien le Be- Bop que la musique de Cuba, Sandoval est un musicien polyvalent pouvant s’adapter à n’importe quel contexte. Vélocité, justesse des notes, débits impressionnants, Arturo est un virtuose qui met celle-ci au profit de la musicalité.
Il est une référence pour les trompettistes de la génération des Wynton Marsalis Terence Blanchard ou Roy Hargrove.

Posts

Latin-Jazz

précédents

CARLOS PATATO VALDES

Carlos Patato Valdes était un grand joueur de congas, il est connu pour accorder ses fûts.Il naît à Cuba et vient aux Etats Unis dans

En lire +

GILBERTO GIL

Il fut Ministre de la Culture de 2003 à 2008 au Brésil, mais il est surtout connu pour son œuvre et ses chansons.Démarrant sa carrière

En lire +

HERMETO PASCOAL/ L’INCLASSABLE

Ce musicien Brésilien ne peut être affilié à aucune catégorie précise, tant il joue de nombreux instruments et appréhende des univers musicaux très différents.Hermeto Pascoal

En lire +

LE JAZZ CUBAIN D’IRAKERE

À la fin des années 60, certains grands musiciens décident de se tourner vers les instruments électriques comme le Fender Rhodes, la basse électrique et

En lire +

TOM JOBIM/ LA BOSSA NOVA

Le pianiste et chanteur Brésilien a composé de magnifiques mélodies du répertoire du courant que l’on appelle Bossa Nova à la fin des années 50.

En lire +

Un post Latin-Jazz au hasard​

BADEN POWELL/ LE VIRTUOSE BRESILIEN (1937-2000)

Ses doigts magiques, son toucher en font l’un des plus grands guitaristes que le Brésil ait eu.

Baden Powell de Aquino fut appelé ainsi par ses parents, car ils admiraient le fondateur du scoutisme, Robert Stephenson Smith Baden Powell.

Ce n’est pas un hasard,car la musique de ce prodige évoque l’altruisme, la dévotion l’amour.

Baden Powell diplomé du conservatoire de Rio de Janeiro en 1951 démarre sa carrière l’année suivante.

Il aura de nombreux compagnoins de route et l’un des plus célèbres était Vinicius de Moraes.

Sa maîtrise des accords à quatre sons, il la mettait au service des magnifiques mélodies qu’il interprétait bien souvent et qu’il composait.

Très lyrique, sa façon de jouer les accords amplifie l’émotion. Ses arpèges témoignent de sa grande technique.

Baden Powell pouvait tout harmoniser comme le faisait Joe Pass dans le Jazz.

Le toucher est unique et empli d’une grande sensibilité. Il était un véritable poète de la six cordes.

Avec sa version de « Berimbau » composée par Vinicius de Moraes, il parvient à traduire par ses accords la gravité, la noirceur mais aussi l’espoir. Après une sublime introduction en quartes, Baden Powell introduit la mélodie qui exprime une certaine tristesse.

Il a des accents nostalgiques sur de nombreuses séquences harmoniques.

Sa version de « Tristeza » connaît un succès planétaire. Les accords sont très beaux et les percussions entrainantes. L’enchainement des accords est un exercice de haute volée. Cet album gravé chez MPS est un petit trésor.

Le titre « Canto de Xango » interprété avec la flute est un concentré d’énergie.

On entend des improvisations simultanées de guitare et de flûte.

Il aimait le Jazz comme en témoigne sa reprise de « Round Midnight » au cours de laquelle sensualité et poésie se mêlent à merveille.

Fantaisie ambiance de carnaval sur « Sarava », une mélodie qui a un côté un peu sombre mais avec quelques touches bluesy.

Les descentes de basses sur « Canto De Ossanha » sonnent Blues

Ce morceau exprime tristesse et fragilité.

Le guitariste part en arpèges mineurs pour démarrer le joyau « Manha de Carnaval ».

La nostalgie de la mélodie » Invencao Em 7_ 1 /12″ est bien exprimée par Baden qui sur cette mélodie, sonne comme un morceau de guitare classique?

Dans les aigus comme dans les graves, les notes sautillent et transmettent une certaine euphorie.

Le thème « Astronauta » est également synonyme de fête. L’attaque des notes est puissante et l’entente avec les percussions s’approche de la Fusion.

« Feitinha Pro Poeta » est une mélodie qui suscite les pas de danse et qui respire l’insouciance.

Le guitariste reprenait aussi des mélodies de Tom Jobim comme « Garota de Ipanema » ainsi que « Dindi ».

Un autre standard de Jazz qu’il reprit est « All The Things You Are » dont il offre une version lyrique.

Le jeu aux doigts de Baden Powell est toujours au service de l’esthétique et de la mélodie. Sans fioritures, lui qui était entre autres l’ami de Claude Nougaro avait une technique qui lui permettait de jouer des single notes à haut débit, ainsi que des voicings sophistiqués.

Le prodige de la guitare composera d’autres grands morceaux comme « Valsa San Nomen » avec Vinicius de Moraes. Ce morceau démarre comme un morceau de Flamenco. Renversements après renversements, la guitare nous illumine et nous étonne.

Je vous propose donc une version de ce titre issue de l’album « Rio Dos Valsas » de 1988, au cours duquel le guitariste choisit les arpèges, notes simples et accords qui célèbrent cette grande mélodie, pleine de tendresse et de romantisme.