Sur la route du Jazz

JAZZ-ROCK

GROVER WASHINGTON JR (1943-1999)

Si David Sanborn était un grand altiste du Smooth Jazz à la sonorité unique, le saxophoniste Grover Washington a aussi laissé une empreinte indélébile dans ce courant mais sa musique allait au-delà.
Grover grandit dans un environnement musical où sa maman était choriste de Gospel et son père un amoureux du Jazz traditionnel.
La sonorité au saxophone n’est pas aussi reconnaissable que Sanborn mais le groove est présent dans ces mélodies Bluesy et Soul. Il fait partie de ces rares saxophonistes à jouer du ténor de l’alto et du soprano. Dans l’Histoire du Jazz, il me vient à l’esprit Jimmy Heath qui jouait des quatres types de saxophone.
Imbibé de Blues et de Soul, Grover reprend de nombreux morceaux de ce style par des arrangements de claviers et de nappes de cordes.
En 1972, il réalise son premier album “Inner City Blues” la composition de Marvin Gaye figurant sur son disque “What’s Goin’On”. Il reprend “Mercy Mercy Mercy” avec un groove contenu mais séduisant.
Le saxophoniste interprète des standards de Jazz comme “Georgia On My Mind” la magnifique composition de Hoagy Carmichael. Il la dynamise d’ailleurs pour créer un effet de dédoublement. On entend le rythme en croches suggéré.
Le groove de la percussion d’Airto Moreira est envoûtant le souffle du sax sensuel pour jouer “Mercy Mercy Mercy”.
Sur “Ain’t No Sunhine” le clavier installe une ambiance Bluesy, les notes de guitare Blues rentrent alors, puis le sax expose la mélodie ornée par les cordes. Les choeurs féminins au nombre de quatre apaisent le climat. Finesse douceur et poésie sont les mots qui me viennent quand j’écoute la trompette de Thad Jones et le trombone d’Eugene Young sur “I Loves You Porgy”. Le rythme devient binaire puis l’alto part dans un solo aux phrases emplies de plans Blues avec quelques ornementations chromatiques.
Les éléments importants de la musique de Grover sont les arrangements qui donnent une autre envergure que les simples mélodies. Bob James occupe une place importante pour cette partie.
“All The King’s Horses” est une très jolie mélodie sonnant Blues et Gospel dont on entend les glissés langoureux de Ron Carter.
Sur “Where is the Love” le saxophone joue une mélodie tout à fait joviale. La guitare Bensonnienne laisse la place à des envolées Bluesy sur un rythme proche du Disco.
Le standard “Body And Soul” est joué sur plusieurs rythmes. La sonorité du sax alto s’inscrit dans le sillage de Charlie Parker.
“Lean On Me” de Bill Withers est joué sur un rythme Reggae . Accompagné par Bob James les nappes du clavier et les orchestrations sont typiques du Smooth.
“Masterpiece” est un moment où les cordes, la basse, la batterie et le saxophone sont dans un état de symbiose suprême.
Dans cet album Grover reprend le magnifique “Trouble Man” de Marvin Gaye.
L’autre grand moment est la version de “Don’t Explain” de Billie Holiday un moment intense d’émotion. Les cordes accentuent l’impression de souffrance.
Le guitariste Eric Gale reproduit cette souffrance dans son solo avant que le ténor ne s’envole dans des phrases émouvantes et Bluesy.
La sonorité est également solaire lorsqu’il était au soprano. Ecoutez son interprétation d’”Easy Leaving”, un standard déjà langoureux auquel Grover ajoute sa touche de romantisme.
Le dernier morceau est très étrange, les claviers électriques et leur moogs mystérieux, la batterie nerveuse. L’ambiance est proche de ce que faisait Miles dans les années 70.
Magnifique est le solo au soprano, les notes s’envolent sur un rythme swing pour revenir à un rythme binaire accentué sur la grosse caisse.
Un autre album notable des années 70 est “Mister Magic” où là aussi les ambiances intriguent les claviers électriques distillent le mystère.
Sur le titre éponyme le climat est au groove induit par les cocottes de guitare, la basse et la batterie.
Toute cette période de Grover est la plus intéressante en ce qui concerne les arrangements les claviers et le groove. “The Sea Lion” est entre Funk et disco.
“Moonstreams” est magnifique par son côté épuré, sa guitare à l’effet wha-wha, le Blues qui prend aux tripes.
Dans l’album “It Feels So Good, il faut entendre les riffs de la section cuivres.
Comme albums notables, citons le disque “Live At Bijou”, un album où le Funk et le groove sont les moteurs de la musique. Sur un rythme Bossa écoutez le morceau “You Make Me Dance” où le rythme devient du trois temps swing. Sur “Summer Song” les choeurs et la basse électrique apportent de la joie du groove.
Viendra la période avec Steve Gadd et Marcus Miller en 1980 et l’album “Winelight” dans lequel figure “Just Two Of Us” de Bill Withers.

C’est en écoutant “Come Morning” que j’entends une influence de Bud Shank et de Paul Desmond.
En 1988, l’album notable est “Then And Now” qui est un retour aux racines et un album de Jazz acoustique, sur lequel jouent notamment Herbie Hancock, Tommy Flanagan et Ron Carter.
Ecoutez “Stolen Moments” d’Olivier Nelson il est intéressant d’entendre des reprises même si la version originale reste un chef d’œuvre.
Le tournant que Grover prend avec les boîtes à rythme est pour moi moins intéressant.
sur “Time Out Of Mind” et “Next Exit”. J’adore tout de même “Your Love” chantée par Nancy Wilson où le groove est au service de la mélodie et du romantisme.
L’album “All My Tomorrows” est consacré aux standards du Jazz des morceaux soyeux de style cool entre ballades et rythmes Bossa. La seule composition originale est jouée sur un rythme binaire. Sur “Nature Boy” le soprano joue très mélodique avec quelques envolées par moments.Au fil d’une vingtaine d’albums, le saxophoniste a eu un répertoire assez varié même si personnellement la période la plus intéressante selon moi est celle décrite en première partie celle des années 70. Le groove est authentique, puissant.
Grover Washington a su jouer le Smooth, le Jazz et parfois même les climats Jazz Rock.

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Le Jazz Rock est né avec Miles Davis qui fut aussi un pionnier du Jazz Cool. Certains de ses protégés explosent au début des années 70, comme Wayne Shorter et Joe Zawinul qui se lancent dans l’aventure Weather Report en 1970. Le pianiste Herbie Hancock qui était déjà un pianiste de grande renommée, s’aventure dans cette voie en jouant du clavier électrique, et utilise une large palette de sons. Avec ce morceau « Fat Albert Rotunda » le groove est terrible, les cocottes de clavier ressemblent à des cocottes de guitare. Le thème est un court motif joué par la trompette le saxophone et le trombone. Le solo de saxophone de Joe Henderson monte en puissance, la sonorité est rugueuse. Ce disque un des premiers du courant Jazz Rock et plus largement du Jazz Fusion. Cet album est pour Herbie Hancock, une base pour son projet des Headhunters qui verra le jour en 1973.