LOU DONALDSON/ 1926-2025
C’est l’histoire d’un grand musicien qui introduisit la Soul dans cette musique majeure qu’est le Jazz.
Né en 1926, on trouve les premiers enregistrements de Lou Donaldson en 1952, lorsqu’il forme un duo avec Clifford Brown sur “New Faces New Sounds”. On entend dès la première plage “Carvin The Rock”, un Jazz inscrit dans le Be-Bop, des phrases lumineuses articulées autour de chromatismes. Après huit mesures de batterie, la trompette et le saxophone démarrent ce thème dont la structure semble être 16 de A, 8 sur un pont, puis encore 8 mesures et enfin 4 qui propulsent les solos. La structure est peu commune.
On entend la forte imprégnation du saxophoniste de l’esprit Parkerien. Le langage, la direction, la fluidité, la technique. La version de “You Go To My Head” est jouée en finesse. L’alto fait résonner cette première note, comme si elle s’envolait. Les dédoublements sont précis et lumineux.
En étant le moins exhaustif possible à propos de cette discographie abondante en tant que soliste ou sideman, il est intéressant de s’arrêter sur les éléments du style. La sonorité est clairvoyante, les chromatismes précis.
Entre 1952 et 1954, des enregistrements sont réalisés et figureront sur la session intitulée ”Quartet/Quintet/Sextet”. Vous entendrez des phrases au swing détonnant, jouées par l’alto et le trompettiste Blue Mitchell.
Lou fut avec Art Blakey, l’architecte, le poseur de la première pierre des Jazz Messengers. Avec Clifford Brown toujours, il est un duo incroyable dans ce groupe qui a pris avec lui les avancées du Be-Bop pour chercher un son et un climat plus Soul. En compagnie des Messengers, il réalisera trois sessions au Birdland en 1954.
L’alto pouvait jouer des thèmes complexes aux lignes intenses et des flux ininterrompus pendant plusieurs mesures sans surjouer le côté technique et virtuosité.
“Quicksilver” signé du pianiste Horace Silver met en lumière la synchronisation du couple sax et trompette.
Écoutez aussi le stop chorus de Lou, sur quatre mesures avant son improvisation sur “Night In Tunisia”.
La composition “Mayreh” du pianiste galvanise les solistes, notamment le sax qui entre par un motif Blues, pour continuer les flots de phrases à la Charlie Parker.
“Wailing With Lou” est un album de 1957 dans lequel, le saxophoniste mêle des thèmes nerveux et des ballades.
Du thème “Caravan” où il lance de belles phrases ciselées et précises, il joue des mélodies douces et belles comme “Old Folks” ou “There Is No Greater Love”.
Les phrases sont sensuelles et jouées avec feeling.
Sensualité toujours, au cours du morceau “Dorothy”, que le saxophoniste met en lumière. Notons la présence du percussionniste Ray Barretto sur ces trois albums. On entend toujours cet ancrage solide dans Blues.
L’altiste aimait jouer avec des groupes différents, aimait accentuer le swing, les tempo up comme sur “Sputnik” extrait de “Lou Takes Off”. Dans ce disque, Lou reprend deux morceaux de Charlie Parker “Dewey Square” et “Groovin High”. Le saxophoniste est dans la lignée esthétique du Bird. Le Jazz peut aussi être plus cool avec les ballades ainsi que les mambos.
Les albums, Lou les enchaine sur le label Blue Note, il creuse le sillage du Hard Bop entre Blues Be-Bop et rythmes Soul.
Au cours de “Blues Walk” de 1958, Lou attaque un solo des plus dynamiques sur “Move”, un thème qui se joue à grande vitesse. En solo la technique est infaillible, la fluidité du jeu impressionnante.
“Light Foot” en 1959 commence par un groove terrible sur le morceau au titre éponyme. Le souffle du Blues irrigue l’espace sonore.
Le saxophoniste enregistre de nombreux morceaux comme “Confirmation”, un thème complexe par ses articulations et les trajectoires. Grande interprétation, joli son du sax en solo, le jeu est enthousiaste sur ce morceau du Bird.
Avec l’orgue et la guitare, il enregistrera aussi de très beaux albums en compagnie de l’organiste Baby Face Willette et le guitariste Grant Green, “Here Tis”.
En 1963, il convie les organistes Jack Mcduff et Big Joe Patton à propager les nappes si particulières de l’Hammond.
“Man With A Horn” la même année est truffé de thèmes lents ainsi que de motifs Bluesy.
Le saxophoniste n’est pas un innovateur sur le plan harmonique comme pouvaient l’être les musiciens de sa génération comme Miles, Coltrane ou Cannonball Adderley.
L’altiste sera d’ailleurs un des instigateurs de ce que l’on appellera le Soul Jazz, qu’il servira par de nombreux enregistrements chez Blue Note, jusqu’au début des années 70.
Il sera encore avec John Patton pour des albums dont les couvertures sont célèbres comme “Natural Soul”.
Tout dans sa musique tourne autour de la Soul et du Blues. La trompette de Tommy Turrentine est aérienne les envolées apportent beaucoup de fraîcheur.
Ce Jazz revient aux sources.
Lou ne sera pas que chez Blue Note. Il sera sur Argo. Écoutez sa version de “Laura” figurant sur “Possum Head”.
Les notes s’étirent le son assez sensuel.
Deux autres albums connus du saxophoniste en cette fin des années 60 sont “Alligator Boogaloo” et “Midnight Creeper”. À la guitare un jeune guitariste George Benson qui envoie des salves Jazzy agrémentées de motifs Blues.
Lou Donaldson a été un très grand improvisateur par son appropriation rapide du Be-Bop.
Son oeuvre en leader n’est peut être pas à la même hauteur que ses improvisations mais il fut un acteur important de ce courant qu’il a perpétué pendant deux décennies.
La tournure que prend son oeuvre est très Funky, très Soul Disco. Même si le style et les arrangements sont aseptisés, le jeu est fluide et énergique. Il reste très actif durant les seventies, puisqu’il produit presque dix albums.
Dans les années 80 il restera dans cette voie.
Il fut également un sideman de grands Jazzmen eux aussi comme le saxophoniste ténor Gene Ammons, mais aussi Jimmy Smith et Thelonious Monk.
Avec le pianiste il est intéressant d’entendre le sax sur cette esthétique particulière. Il est au pupitre aux côtés de Lucky Thompson et Kenny Dorham.
Il n’est pas vraiment mis en avant sur les quatre morceaux auxquels il participe.
Avec Jimmy Smith il groovera et swinguera à souhait.
Si il fut précurseur de cette aventure du Hard Bop, avec des grands comme Art Blakey et Clifford Brown, il aura été a partir des années 60 l’un des représentants de ce Jazz mêlé à la Soul. Sans révolution harmonique il a servi le swing fidèle à ses racines.
Je vous laisse en compagnie de sa version de” A Foggy Day” de Gershwin joué avec un swing chaleureux.
Également sa version détonnante de “Move” sur Blues Walk.