Le Vienna Art Orchestra fut fondé en 1977 par Mathias Ruegg, pianiste, chef d’orchestre et arrangeur. À géométrie variable la configuration peut être un groupe restreint mais est le plus souvent un Big Band. Les arrangements incorporent plusieurs styles différents le classique le Rock et le Jazz. La tessiture les arrangements et l’orchestration sont assez originaux.
Sur You Tube nous écoutons un extrait de leur premier album « Jessas Na » datant de 1979.
Loufoqueries et psychédélisme sont au rendez vous lorsqu’on écoute les cuivres hurler, le violon et la guitare s’envoler sur un rythme en 6/8 tenu par le piano qui se permet des dissonances et par la batterie qui adopte un jeu proche de la fanfare.
En 1980, le groupe sort « Tango From Obango » dont le morceau éponyme très intense par l’énergie et le volume ne vous laisseront pas intact.
Le magma sonore et les multiples influences distribuent une bonne dose d’énergie. Dans ces arrangements on entend une démarche presque baroque. Le trombone commence l’impro, puis suit le piano qui plaque des voicings. Le ténor s’enflamme en improvisation tenant en haleine tous les autres instruments qui envoient du son.
Les cuivres tiennent une ligne mélodique pendant que le saxophone rentre en fusion.
Autre ambiance changement radical au sein du morceau lorsque la flûte arrive. Les sons s’enchevetrent on passe par le Free du folklore des Balkans.
L’album suivant « Suite For The Green Eighties » représente encore un mystère que nous découvrons. « Part I » démarre par un dialogue entre trompette et batterie puis avec le marimba. Dans l’esprit, la trompette est très Davisienne. Sur une tourne de la rythmique répétitive la trompette improvise puis c’est le saxophone qui fait monter l’intensité.
Le second mouvement est une plongée dans l’histoire du Jazz. On a l’impression d’entendre à la fois du Ragtime. Sur une ligne de basse rapide le solo de piano capte une certaine nervosité. Le jeu très énergique est à la fois moderne.
En Part III on écoute les onomatopées vocales pour une séquence très Free.
Très rythmique la voix et la percussion créent quelque chose qu’on entend pas souvent.
Plus cool le quatrième mouvement commence dans le mystère. Sonnant comme une fanfare, l’approche devient rapidement modale touchant à un Hard Bop évoquant l’univers Coltranien par la trompette et le piano jouant des accords à la McCoy Tyner.
Cette formation peut jouer des choses complexes des thèmes moins mélodieux avec des motifs de notes rapides.
« From No Time To Ragtime » est enregistré en 1982.
Commençant par « Variations About 508-10 » on entend des motifs vocaux suivis d’arpeges rugeux de piano apportant une certaine tension, jusqu’à ce que le Fast Swing éclate pour laisser le saxophoniste ténor s’exprimer.
Les « Variations About Keep Your Heart Right » laissent la place à un bouquet sonore là aussi explosif.
Dans un climat digne du Jazz Swing des années 30, le sax tenor propose un solo assez cool. Le trombone part dans un solo intense entouré d’une rythmique qui distribue le Swing. L’orchestre s’arrête puis le saxophone alto laisse éclater sa fougue avant d’être rejoint par le Band qui a des couleurs.
Capable de passer d’une ambiance à une autre, le Big Band du Vienna Art Orchestra varie les couleurs selon les mouvements.
Si la trompette joue dans le Swing, l’univers sonore se transforme.
La reprise de « Un Poco Loco » signé Bud Powell souligne la fievre latine de ce morceau. Le soprano monte en fusion à partir des percussions et s’installe une sorte de transe.
Onirique est le thème « Variations About A Liberal Proposal ». Le saxophone ténor explore des contrées sonores avec une sonorité romantique. La sonorité du saxophone se rapproche un peu de celle qu’avait Michael Brecker.
« Variations About Soma » laisse la place à une certaine part d’étrange.
Des cuivres et des percussions accompagnent une trompette éprise de liberté. Le saxophone ténor s’élance vers des phrases mouvementées. Les percussions le soprano et la voix parviennent à l’apogée.
Hommage à deux grands noms du Jazz deux innovateurs chacun à son époque.
Le titre « Jelly Roll, But Mingus Rolls Better » laisse la place au pianiste qui improvise avec imagination drôlerie et originalité. Emporté par la section cuivres, le saxophoniste tenor déroule des phrases.
Vient le tour du sax alto qui joue sur un tempo qui s’enflamme. Le rythme binaire s’invite à la fin du morceau pour une apothéose.
Le final « Variations About The Cascades »est déjanté. On y entend les cuivres et le marimba partir dans des improvisations collectives.
En 1984, le Vienna Art Orchestra consacra un album à Erik Satie. Au fil des onze titres on entend de multiples surprises en termes de nappes de cuivres ainsi que sur le plan rythmique.
Le Swing traditionnel se mêle aux thèmes d’Erik Satie. Les variations que joue l’orchestre autour des mélodies de ce génie sont à la fois sobres majestueuses élégantes.
Un autre disque important est « A Notion In Perpetual Motion » en 1985.
A l’écoute les arrangements semblent être plus épurés. Sur le thème d’introduction « Sights From South Carinthia », le soprano est exceptionnel.
Le groove est présent sur la seconde composition « Woodworms in The Roots » sur lequel la trompette au son très feutré lance des phrases stratosphériques. Le clavier envoie des nappes envoutantes.
Le thème « Life At The Dead Sea » a de bonnes ondes. Le piano acoustique soutenu par les nappes de cuivres vous emmène vers l’imaginaire et le rêve.
Sur « Lady Delay » c’est la voix qui est mise en avant.
Dans les années 90, la formation rendra hommage à deux immenses compositeurs et innovateurs, Duke Ellington et Charles Mingus.
Comme disques notables, sort en 2000 « Artistry in Rythm » qui commence sur les chapeaux de roue avec le morceau « Graffiti in Stockholm ».
Cet album a ceci de particulier que chaque composition est un hommage à une ville différente.
Sur « Mooney Paris On The Run » est mis à l’honeur le vibraphone.
Groovy est le morceau « Double Dealers Crash Into Double Double ». La basse Fretless joue des lignes souples et Bluesy.
Pour « Copenhagen’s Mermaid Heart » le saxophone ténor joue un solo sensuel.
La ville de Den Haag est mise à l’honneur par des cocottes de guitare Funky et des motifs de claviers électriques. La guitare joue un solo qui met une terrible pêche.
Le titre « Bruxelles Ma Belle »a comme solistes le trombone sur un tempo énergique.
Sur « If Athens Would Have Been Built By Atheists You Would », le trombone déroule des notes suaves portées par un vibraphone cristallin.
« Madrid Madness » renferme sa part de mystère avec des sonorités de trompette et une percussion qui retentit.
Funky est le morceau dédié à Helsinki sur lequel le baryton sort des phrases qui crépitent.
Le tempo est cool et les inflexions Bluesy pour ce qui est du morceau en hommage à Rome.
Sur « Luck Luxembourg » l’alto s’envole tel Bird. Les flots de notes sur un groove sensuel emportent tout.
Pour « Vienna Doesn’t Waltz » la trompette lance des flots de notes Bluesy et Soul.
Le soprano s’envole sur « London Rushes In The Tube »
La trompette est teine sur « Lisboa Reverie »
Apogée de l’energie sur le dernier morceau « Off Beat Berlin On The Beat », sur lequel l’alto bouillonne sur un rythme binaire dynamique.
En 2002, l’Orchestre sort « Art And Fun » un voyage entre la tradition et les sons modernes comme des passages grooves comme « Art To Dance ». On entend des séquences en douceur comme « Art In Trance ». La voix est pure et incite à la méditation sur « Art With Punch ». « Fun and Art » a des accents de Rock. Les guitares s’enflamment.
Le Vienna Art Orchestra s’est éteint en 2010 après plus de trente ans d’explorations des différents styles. C’est peut être l’un des Big Bands les plus éclectiques de l’histoire de ce type de formation. Les arrangements sont parfois traditionnels plus modernes frisant parfois avec le Free et pouvant aller sur le terrain du Jazz Rock.