Il est un cas à part tant sa vie est mouvementée. Comme Ray Charles, Rashaa Roland Kirk devient aveugle très jeune à l’âge de deux ans.
Il commence à jouer du Blues assez jeune et démarre sa carrière au début des années 50. Sa sonorité est puissante et son style s’inspire du Blues et de la Soul.
Avec un son métallique « Rashaan » explore son instrument sur le plan des sonorités en utilisant très souvent des motifs de pentatoniques, outil de base pour les improvisations de Blues.
On se penche d’abord sur le disque « Triple Threat » enregistré en 1956.
Âge de 21 ans, il joue avec plusieurs saxophones simultanément. La source du Blues est présente dès les premiers instants de sa composition « Roland’s Theme ».
L’ecriture du thème est un cocktail entre Jazz New Orleans Jazz Swing Be-Bop.
Le thème « Slow Groove » respirant le Blues et la Soul inspire le saxophoniste et le pianiste James Madison, qui empruntent les chemins de l’héritage.
Le paysage sonore repose sur de nombreuses dissonances. Avec trois compositions et trois standards, le jeune musicien tire de ses instruments des sonorités particulières et navigue souvent vers des sons d’avant garde.
Sur « The Nearness Of You » et « Stormy Weather », le saxophoniste lance des phrases plus classiques ancrées dans la tradition.
La musique du saxophoniste est imbibée de Hard Bop, Soul et Jazz, tel est le répertoire du disque réalisé avec l’organiste Jack McDuff « Kirk’s Work » en 1961. Commençant par « Three For Dizzy » l’énergie est au rendez vous. Les accords bouillonnants de l’orgue Hammond stimulent le saxophone qui swingue avec tant de joie.
Si il est un grand saxophoniste, il est aussi un flûtiste de renom. Les phrases Blues de Jack Mcduff sont incandescentes sur « Funk Underneath ». Le Soul Jazz est rugissant par les phrases de l’organiste.
En 1962, la reprise de « Domino » est à la fois surprenante et pleine de dynamisme par ce Swing en 6/8.
Sur le medium up « Meeting On Termini’s Corner », les phrases de saxophone bondissent sur le drive de batterie.
Romantique et apaisante, la mélodie de la composition « Time » nous enlace.
Une fois l’accalmie passée, le tempo relevé reprend se réinvite à nouveau sur « 3-1 Without The Oil ». La composition « Where Monk And Mingus Live/ Let’s Call This » nous donne l’occasion de savourer le drive de batterie qui est un véritable moteur pour le saxophoniste.
La flûte feutrée dès l’ouverture de l’album « I Talk With The Spirits » enregistré en 1964 est dans le même esprit, un Jazz qui n’oublie pas sa source, des thèmes qui riment avec Blues et Soul.
La composition « A Quote From Clifford Brown » est très fidèle à l’esprit Be-Bop, dont les phrases de flûte présentent des articulations fluides.
La composition « I Talk With The Spirits » est prise au départ sur un mode rubato. Les nappes de vibraphone relatives à « Ruined Castles » tissent finesse et poésie.
La reprise de « Django » se fait d’abord dans le calme puis la suite est plus en swing.
La session se termine en toute subtilité et sensualité sur le standard « My Ship ».
Sonorités modernes et peu communes, le disque « Rip Rag And Panic/ Now Please Dont You Cry Beautiful Edith » de 1965, vaut de s’y arrêter tant les surprises sont nombreuses.
Les directions harmoniques et mélodiques sont d’une grande modernité avec des compositions originales.
Le saxophoniste aime le classicisme en rendant hommage aux grands du Jazz à l’occasion du titre « From Bechet Byas And Fats ». Les phrases mouvementées de sax aux sonorités Coltraniennes emportent tout sur leur passage. « Mystical Dream » est un thème aux sonorités Africaines tout comme le titre « Rip Rig And Panic » dont se dégage des sonorités Free. Le travail de composition et d’arrangement est à la fois soigné et audacieux.
En tant que sideman, il jouera sur « Soul Bossa Nova » de Quincy Jones et réalisera le solo de flûte traversière.
Il sera aux côtés de Roy Haynes Henri Grimes et Tommy Flannagan pour l’album « Out Of The Afternoon » un grand album enregistré chez Impulse. Les thèmes bien écrits sont arrangés et joués avec finesse et précision comme on l’entend sur la composition « Raoul ». Sur ce tempo qui tient en haleine, le saxophoniste s’illustre par sa technique et ses phrases. Avec ces compositions le batteur livre une œuvre notable dans le Jazz moderne.
En 1968, Roland Kirk enregistre « The Volunteered Slavery » un projet plus commercial accès sur la Soul et la reprise de titres comme » I Say A Little Prayer » ou encore « My Cherie Amour ».
Le Tribute To John Coltrane est un moment de magie presque intemporel, tant la sonorité du saxophone se rapproche du maître. Le saxophoniste a la gravité le son brûlant et la fougue dans les phrases.
On reconnaît dans son medley des motifs d' »Acknowledgement » premier mouvement du chef d’oeuvre « A Love Supreme ».
S’étant approprié le Be-Bop, Roland Kirk repoussa les limites de l’improvisation par l’innovation harmonique et la variété de ses phrases. La reprise de « Blues For Alice » signé Charlie Parker figurant sur le disque de 1962 « We Three Kings », montre à quel point il assimila le langage. Au ténor, il joue des phrases renversantes, dont les articulations chromatiques sont des exemples pour celui qui veut apprendre le langage du Jazz moderne. On l’entend explorer des directions avec grande aisance.
Il fit un musicien qui lia le traditionnel à l’avant-garde en proposant des sonorités hors du commun grâce à son don de jouer plusieurs saxophones en même temps.
Je vous propose sa composition « The Inflated Tear », une mélodie sensuelle qu’il joue d’abord à un seul saxophone, pour ensuite nous emmener vers des polyphonies à plusieurs saxophones.