Sur la route du Jazz

RED MITCHELL/ LE SENS DE LA SOBRIETE

Place à un contrebassiste pour notre rubrique historique.

Red Mitchell c’est un toucher précis mais léger, une sensation de finesse.

Ce contrebassiste a été tout au long de sa carrière sollicité par de nombreux musiciens.

Sa façon d’accompagner dénote une écoute un grand sens de l’interaction.

Il débute sa carrière en pleine ère Post-Bop et d’ailleurs a la fin des années 40 et début des années 50, Red jouera au sein de l’orchestre du clarinettiste Woody Herman, du vibraphoniste Red Norvo et du guitariste Tal Farlow.

La qualité d’enregistrement rend difficile l’écoute de la contrebasse mais on peut dire que la ligne est tranquille et ronde. La guitare de Jimmy Raney est toute en douceur. Sur des tempo up on entend chez ces musiciens et en particulier chez Red Mitchell. Le toucher est fin quelque soit le tempo.

Sur « Deed I Do » la basse avance comme une locomotive.

Red Mitchell sera très prisé il entourera Tal Farlow pour des sessions consacrées aux standards de Jazz. On observe la souplesse des lignes sur le tempo rapide de « Fascinating Rythm ».

Il enregistre en 1957 en compagnie du saxophoniste Zoot Sims et du tromboniste Bob Brookmeyer, une session intitulée « Happy Minor », dont le morceau éponyme est écrit par le contrebassiste. Le style est aéré les notes bien claires.

C’est lui qui introduit le thème à la contrebasse sur « Long Ago And Far Away » de Jérôme Kern et qui part en solo. Il passe ensuite le relais au pianiste qui swingue. La walkin bass est solide franche dès lors que les tempos sont rapides comme c’est le cas sur « Gone With The Wind ».

On sent chez lui le souci de l’espace de la respiration, des solos très mélodiques sans vouloir mettre en avant la technique. De ce point de vue, j’ai la même que l’écoute que nous avions fait en parlant de Ray Brown.

En 1957, il accompagne Jim Hall sur le disque « Jazz Guitar: Jim Hall ». La ligne de basse est faite de notes fluide et limpide.

En 1958, le contrebassiste sort un album intitulé « Get Those Elephants Out ‘Here ». Entouré d’une section cuivres de folie Red Mitchell tient la contrebasse mais aussi le piano. A la trompette Blue Mitchell sort des solos de trompette empreints de Blues en ornant de chromatismes. Au baryton c’est Pepper Adams et au trombone Frank Rehak. Le contrebassiste instille une certaine façon de jouer, comme si les tempo up Be-Bop étaient joués de façon apaisée. Même si les morceaux sont d’une esthétique particulière Il accompagne les grands du Jazz moderne mais également certains du Jazz plus classique comme Harry « Sweets »Edison.

Après avoir évoqué le Red Mitchell sideman, parlons du leader et du quintet qu’il fonde avec le saxophoniste Harold Land. Le groupe qu’il cofonde avec le saxophoniste est selon moi une pépite du Jazz moderne. En 1962 ils enregistrent « Hear Ye » chez Atlantic et s’entourent du trompettiste Carmell Jones, du pianiste Frank Strazzieri et de Leon Petties à la batterie.

Le morceau d’ouverture « Triplin’ Awhile » est de douze mesures et semble être un Blues. Sobre et discret, Red prend un solo qui respire le swing.

En second le thème « Rosie’s Spirit » est joué à vive allure sur un tempo up.

Carmell Jones prend un solo flamboyant avant que Red Mitchell ne déroule des phrases enjouées qui respirent. On entend le Blues accentué par les glissandos qu’il fait.

Le Blues est très présent sur le morceau « Here Ye » dont la mesure est du 6/8.

Le titre éponyme est un thème en 3 temps très mélodieux sur lequel le saxophoniste prend un solo énergique à la suite duquel le contrebassiste réalise une impro à l’archet.

Sur le tempo du médium swing, la contrebasse part dans un solo tonique sans forcer.

En écoutant l’introduction, on entend des couleurs orientales sur « Catacomb ».

Le morceau final est explosif. Sur un tempo up swing les solistes s’en donnent à coeur joie.

Si on explore la discographie, on pourra écouter le trio qu’il forme avec Bobo Stenson et Rune Carlsson. « One Long String » album de 1969 reste un tournant. Concernant le titre éponyme, ce pianiste développe des lignes d’improvisation tout à fait fascinantes, tellement elles sont claires et belles. Le solo de contrebasse est comme une histoire qui nous est contée.

La musique de cet album est plus moderne. Du titre « Narbild » se dégage l’espoir, une forme de luminosité.

Dans les années 70 il continue les collaborations avec d’autres solistes prestigieux comme Lee Konitz en réalisant « I Concentrate On You », hommage à Cole Porter. L’album s’ouvre sur « Just One Those Things », un thème qui s’ouvre par des notes de contrebasse puissantes. Les solo croisés de Lee Konitz et de Red forcent l’admiration.

En toute intimité là encore, la walkin bass enveloppe la guitare de Jim Hall, dont le son est en tonalité grave. Les glissés de contrebasse sont effectués avec équilibre..

En compagnie de Jimmy Rowles, les deux musiciens réalisent “Red’n Me”. Le disque commence par le morceau « Mama G », dont le feeling vous plonge dans l’ambiance du Swing.

Dans les années 80, il a comme compagnons musicaux quelques grands pianistes. Avec Tommy Flanagan il enregistre “You’re Me” au cours duquel il joue là encore un solo grandiose sur Milestones”. Le solo de contrebasse est très beau au fil de cette grille complexe.

En compagnie d’Hank Jones, il enregistrera “Duo” en 1987. Le solo sur “Wee” impressionne. Il accompagnera aussi Kenny Barron sur “Talking” dont il prend un solo aux nombreux vibrato.

Avec le trompettiste Clark Terry, ils enregistrent en 1986, un duo publié chez Enja « To Duke To Basie ». Le trompettiste lance des vibes Bluesy qui nous font voyager vers le classicisme.

En plus de sa vie de leader, Red Mitchell aura accompagné de nombreux grands artistes parmi lesquels Billie Holiday en 1954, Chet Baker sur son album “Chet Baker Sings And Plays” sur lesquels figurent “Let’s Get Lost”. Red Mitchell était un de ces grands musiciens qui jouait avec sobriété et discrétion. En tant qu’accompagnateur, ses lignes d’accompagnement insufflaient un swing terrible, ses walkin bass dynamiques étaient le véritable moteur de la rythmique.

En solo, il a montré qu’il était un grand improvisateur, des notes bien exécutées avec rondeur et un sens aigu de la mélodie.

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