Ian Ernest Gilmore Green plus connu sous le nom de Gil Evans, est peut être l’un des plus grands arrangeurs et chefs d’orchestre du Jazz moderne. Il se distingue par une esthétique particulière fruit d’une finesse dans l’écriture.
D’abord pianiste dans les Big Bands de Swing, il arrange les parties instrumentales pour l’orchestre de Claude Thornhill. Il fera des alliances sonores entre instruments cuivres et bois qui n’avaient jamais été tentées jusqu’à présent.
À la fin des années 40, ses experimentations sur le plan de l’arrangement contribuent à la naissance du Cool. Lorsque Miles Davis enregistre « Birth Of The Cool » il expliquera que les arrangements de Gerry Mulligan, John Carisi, John Lewis et Gil Evans sont le résultat de l’influence de Thornhill.
Gil Evans arrangera deux titres dont « Boplicity », que Quincy Jones présentera en 1991 à Montreux avec Miles en personne.
Dans les années 50, Gil Evans participe à des grands albums de Miles « Porgy And Bess » duquel la version de « Summertime » est devenue célèbre du fait des motifs de cuivres qui ornent la trompette feutrée de Miles Davis.
« Miles Ahead » en 1957 est un chef d’œuvre de mélodie où la conjonction des voix des cuivres est grandiose.
Sur « Sketches Of Spain » en 1960, on a le fameux « Concierto de Aranjuez » qui dure plus de seize minutes. Le rendu des accents Flamenco par la section de cuivres est surprenant.
En 1957, il réalise en leader son premier album « Gil Evans And Ten ». Les nappes de cuivres sont d’une extrême clarté et d’une grande douceur. « Remember » commence par quelques notes de piano avant que les voiles des cuivres ne se tissent.
Le second morceau « Ella Speed » sur un tempo plus rapide a des sonorités très modernes pour l’époque, notamment grâce au soprano de Steve Lacy. Le swing de Paul Chambers et de Jo Jones est empli de groove. Aux trombones à la trompette et au sax s’ajoute le cor d’harmonie.
Le tissu sonore donne l’impression de légèreté.
Sur cette session la seule composition de Gil Evans « Jambangle ».
L’année suivante il signera « New Bottle Old Wine » un hommage aux standards du New Orleans. L’orchestre commence par « St Louis Blues » de W.C Handy.
Sur « King Porter Stomp », on entend la rythmique impulser le swing aux soufflants notamment aux trompettes qui rebondissent et transmettent une belle énergie. Au cours de la même session, on entend le baryton mis en avant sur « Struttin With Some Barbecue ». Le son étincelant de la section de cuivres l’énergie des cuivres illumine les auditeurs.
Sur le disque « Great Jazz Standards » de 1959, Gil Evans propose une composition personnelle au milieu de reprises de standards. Les voiles sonores sont typiques du Jazz Cool. « Ballad Of The Sad Young Men » est grandiose par la mélodie et la configuration sonore des voix de chaque soufflant.
Dans cet album, il présente « La Nevada » qu’il rejouera sur l’album « Out Of The Cool » de 1961 chez Impulse.
Les trémolos du piano introduisent les cocottes de guitare. Les riffs de cuivres se mettent en placent peu à peu sur un swing qui frétille.
« Where Flamingos Fly » est une séquence pleine de douceur au cours de laquelle les cuivres tiennent longtemps.
Parlons également du travail avec Helen Merrill et Clifford Brown, avec lesquels l’orchestre reprend une liste de standards. Les tissus légers des cuivres enrobent la voix sur « Don’t Explain ». Quel swing sobre et cool sur « What’s New » lorsque la rythmique passe en croches et que la trompette de Clifford souffle avec des sonorités délicieuses.
Les arrangements prennent un nouveau tournant en 1964, lorsque les voiles sonores des cuivres annoncent encore un peu plus de modernité sur le disque « The Individualism Of Gil Evans ». Savourez le solo de Wayne Shorter et le solo de Barry Galbraith sur « Time Of The Barracudas ».
Le compositeur et arrangeur écrit les arrangements du magnifique disque de Kenny Burrell « Guitar Forms ».
L’album de 1973 « Svengali » est un virage dans l’arrangement l’orchestration la sonorité et le style. Ce Big Band joue dans le style Jazz Rock qui fusionne plusieurs éléments stylistiques comme la Soul le Blues Rythm N’ Blues.
On y entend des solistes comme le ténor plein de fougue Billy Harper, mais surtout l’altiste Davis Sanborn qui a des sonorités brûlantes.
Avec son projet « The Gil Evans Orchestra Plays The Music Of Jimi Hendrix », Gil Evans propose des arrangements en hommage à musique du prodige de la guitare. On entend des nouvelles couleurs des cuivres plus énergiques qui reflètent l’énergie de guitariste de légende.
En 1984 « Walkin Through The Clouds » et sa passion pour Jimi Hendrix se constate une fois de plus.
Aimant les collaborations multiples et les explorations de nouvelles voies sonores et stylistiques, Gil Evans part en tournée avec Jaco Pastorius. Le son des orchestrations de cuivres est de la dynamite.
Il travaillera avec Laurent Cugny à la fin des années 80 qui compose pour lui « Golden Hair » un thème construit autour d’une ligne de basse électrique percussive.
Si la trompette joue avec fougue, la guitare de Lionel Benhamou est un feu d’artifices.
L’album suivant est « Rythm A Ning » composition de Thelonious Monk.
En 1987, l’immense Gil réalise une perle en compagnie de son ami Steve Lacy intitulée « Paris Blues ». Le son sensuel du soprano se mélange à merveille aux nappes chaleureuses du clavier electrique, un duo intimiste.
Gil Evans était un grand arrangeur réalisant des orchestrations subtiles comme des bouquets sonores raffinés.
Si il a composé quelques morceaux, il est reconnu pour son agencement des voix.
Il arrange le Be-Bop deviendra l’un des chefs de file du Cool.
Son écriture de grande qualité en fait l’un des plus grands orchestrateurs du Jazz.