Connu pour être un fidèle compagnon de Duke Ellington avec qui il resta près de vingt ans, Lawrence Brown commença son apprentissage misical par le piano puis le violon, le tuba avant d’adopter le trombone.
Il se forma dans les orchestres de Hot, celui de Charles Echols et Paul Howard.
Si certains lui reprochent de ne pas être un grand swingman, la sonorité peut être sirupeuse mais le style du trombone décontracte. La sonorité s’étire, le swing est quand même présent.
Autour du Swing médium et d’une ligne de basse tenue par le jeune Richard Davis, les différentes voix s’installent, d’abord le trombone, puis la clarinette et la trompette.
En question réponse au fil des grilles, les trompettes de Cat Anderson et de Ray Nance rebondissent sur les voiles de trombone et de saxophone.
Le thème est déclamé par la clarinette qui part aussi en improvisation pour 16 mesures. La trompette part aussi dans un solo duquel se dégage bonne humeur et swing chaleureux.
L’alto tenu par Johnny Hodges apporte quelque chose de doux et de délicat.
Sur « Mood Indigo » de Duke, le piano accueillant de Jimmy Jones vous met dans l’ambiance. Les voix sont de la couture, de l’orfèvrerie. Seuls jouent la trompette le sax alto et les trombonistes.
Johnny Hodges est tout en finesse.
Sans avoir l’oreille absolue, des notes et des harmonies, on peut dire que cette anatole intitulée « God Queen Bess » est très sympa. Après une introduction de la section cuivres la trompette avec la wah wah nous comble de joie. Les notes de saxophone alto illustrent la douceur de Johnny Hodges et celle des autres improvisateurs qui perpétuent l’esprit du Jazz, une musique sur laquelle on danse.
On entend la sourdine et l’effet wah wah du trombone. Lawrence puise les notes qui sont dans le Blues.
« Little Brother » commence par le tapis de basse et les quelques notes de piano.
Sur ce Blues, chaque instrumentiste part avec joie sur les sentiers de l’improvisation.
Tranquillité et intimité, tel est le morceau qui ouvre la face B de cette session.
« Jeep’s Blues » est merveilleusement interprété par l’orchestre de Lawrence dont on retrouve les sidemen d’Ellington.
Le premier soliste est le tromboniste Buster Cooper après qui, le clarinettiste Russell Procope prend un solo avant le trombone de Lawrence Brown et l’alto d’Hodges.
Ces messieurs s’en donnent à cœur joie sur ce nouveau Blues.
À l’archet Richard Davis introduit langoureusement le standard Elingtonien « Do Nothin Till You Hear From Me ».
Le trombone se plaît avec cette rythmique qui sur « Ruint » joue un Twelve Bars Blues au cours duquel on entend la batterie et la contrebasse tenir ce riff dans un rythme Shuffle. Le riff rythmique est plus celui des Bluesmen traditionnels avec une énergie bien présente.
Enfin pour terminer ce disque, le tromboniste décide de terminer par un swing Cool « Sassy Cue » aux nappes de cristal. Les saxophones engagent le dialogue puis leur répondent les trompettes.
Quel son étouffé, presque comme du velours quand on entend Lawrence Brown. Quelle grandeur de l’ère Swing ce Jazz qui exprime l’optimisme malgré les immenses problèmes liés à la ségrégation raciale.
Le Jazz de ce tromboniste est on ne peut plus classique, mais ce Jazz posa les bases de la configuration orchestrale qui servit de propulsion au Jazz moderne que fut le Be-Bop. Si ce magnifique album « Inspired Abandon » est enregistré en 1965, période dominée par le souffle Coltranien et le Jazz Modal, il n’en demeure pas moins qu’il ravit beaucoup d’amoureux de ce courant plus classique.
Ces Jazzmen ne sont peut être pas de grands virtuoses mais ils rappellent qu’ils posèrent les jalons de l’improvisation.
Étant publié sur Impulse, un label pourtant tourné vers l’avant garde, ce disque est un trésor à réécouter, tant le tromboniste est au petit soin de ce Jazz swing.