Le saxophoniste dont nous parlons aujourd’hui, ne laissera pas une empreinte fondamentale en tant que compositeur, ni en tant que chef de file d’un courant précis. Jerry Dodgion est cependant un grand musicien de studio qui joua avec d’immenses artistes tels Herbie Hancock , Thad Jones ou Oliver Nelson.
Né en 1930, il commence sa carrière dans les années 50, en tant que sideman du vibraphoniste Red Norvo, du clarinettiste Benny Goodman, de l’altiste Benny Carter ou encore du trompettiste et chef d’orchestre Gérald Wilson.
Son son lumineux, chaleureux et réconfortant, lui vaudra d’être un musicien très prisé des sessions d’enregistrements.
La sonorité de ce saxophoniste est proche de celles des altistes comme Paul Desmond ou Bud Shank.
Jerry Dodgion participe à de grands albums comme « Speak Like A Child » ou « The Prisoner » signés Herbie Hancock. Les interventions de ce saxophoniste et flûtiste se mélangent avec celles des autres instruments, la trompette et le trombone.
Les cuivres ne prennent pas de solo mais ponctuent de nappes sobres et précises, les thèmes et solos de piano.
Il a joué aussi avec les trompettistes Blue Mitchell et Donald Byrd.
Thad Jones reprit une composition de l’altiste intitulée « Thank You » qui elle aussi est une magnifique ballade. Le Big Band du trompettiste joue un Jazz au carrefour du Swing, du Be-Bop et du Hard Bop. Cette approche est à l’image de la démarche du saxophoniste alto.
Jerry formera un groupe avec Charlie Mariano un autre grand altiste de renom.
Vous pourrez écouter leur version du standard « After You’ve Gone » sur lequel les saxophones s’enflamment sur ce tempo up.
Le fait qu’il ait joué avec le trompettiste Buck Clayton nous donne une idée de l’éclectisme du parcours de l’altiste.
En 1990, lors d’un concert au Greenwich Village réunissant des Jazzmen prestigieux on entend sur le premier morceau intitulé « Scorpio » Jerry Dodgion rebondir sur le swing de la rythmique. Entre Jazz Swing et Be-Bop ce disque est un vrai régal au niveau des arrangements et des solos qui sont joués.
Jerry Dodgion ne publiera pourtant son album en leader qu’en 2004. Intitulé « Jerry Dodgion And The Joy Of Sax », les parties de cuivres sont de la couture, tant les différentes voix s’agencent avec harmonie et limpidité.
Dans la tradition du Cool, le thème »Thadeus » écrit pour le trompettiste Thad Jones est une balade qui exprime l’élégance et le raffinement. L’alto rentre tout seul en lançant quelques notes, avant que le pianiste Mike Le Donne ne plaque les premiers accords. Le saxophone alto signe là une mélodie poétique et nostalgique, dont la structure est peu commune car nous comptons vingt huit mesures.
Après un solo de piano dans un style Bluesy, l’emballement du tempo amène de la dynamique.
Le morceau « Paris Blues » demarre par des voicings majestueux du pianiste. Tendre et intimiste, le piano traduit l’ambiance des pianos bars.
Les voiles de saxophones un ténor deux alto et un baryton vous emmènent dans un climat romantique.
La composition « Skyline Waltz » illustre l’esthétisme de ce grand altiste. Les harmonisations sont d’une souplesse incomparable. Le thème se construit autour d’un dialogue entre cuivres et contrebasse dont la rondeur des notes nous séduit.
Les riffs des soufflants sont toujours exécutés avec poésie.
L’alto part en solo et s’envole avec grâce.
Ce saxophoniste est un grand artiste qui ne cherche pas la performance individuelle mais qui se met au service de l’ensemble.
Douceur intimisme romantisme et sobriété correspondent à cet artiste.