Sur la route du Jazz

THELONIOUS MONK/ BRILLIANT CORNERS

THELONIOUS MONK/ BRILLIANT CORNERS

Cet album de Thelonious Monk est incontournable par la modernité harmonique, et l’originalité des mélodies. Sur le titre « Brilliant Corners », le pianiste commence tout seul en plaquant des accords dissonants. La mélodie est d’abord étirée par les saxophonistes Sonny Rollins et Ernie Henry sur un tempo lent. À 1’05, les deux saxophonistes exposent de nouveau le thème, dans un esprit Be-Bop, sur un tempo dédoublé. Au cours de ce morceau, les musiciens voyagent à travers les phrases chromatiques et s’amusent avec la pulsation qui est tantôt à la noire tantôt à la croche. Sonny Rollins a une sonorité solide, croustillante et des phrases chaleureuses. Thelonious nous séduit par les imperfections techniques, par ses phrases et son swing si communicatif. Ernie Henry au sax alto, joue sur un mode cool que le tempo soit lent ou medium up. « Ba Lue Bolivar Ba Lues-Are » est un blues tranquille au tempo medium. La contrebasse joue un solo très mélodique avec des notes rondes et claires. La composition « Pannonica » fut écrite pour la duchesse de Koenigswarter, l’amie et la mécène de plusieurs artistes, dont Monk. Sur cette ballade langoureuse très romantique, Max Roach utilise les balais pendant la mélodie, puis le tempo passe à la croche pendant le solo de Sonny Rollins. Les débits du saxophone sont tout en finesse, les emprunts de la mélodie sont nombreux. Thelonious tourne autour du thème pendant huit mesures. Le xylophone est très apaisant par la sonorité cristalline. Introduction de piano très tendre avec la reprise du standard « I Surrender dear » jouée tout seul. Les arpèges et accords sont exquis. La dernière composition du disque, « Bemsha Swing » assez joyeuse, rappelle l’esprit des fanfares de New Orleans par la mélodie, avec une harmonie moderne. Les phrases de Thelonious se mélangent aux citations du thème. Sonny Rollins tel un lion, est pleinement dans l’esprit du Be-Bop. La trompette de Clark Terry au joli son feutré, arrive en toute discrétion, pour jouer des phrases fluides. Bien que datant de 1957, l’esthétique de cet album est plus proche du Be-Bop, que du Hard Bop ou Soul Jazz. Le pianiste compose des thèmes, dont les lignes sont écrites avec beaucoup de chromatismes. L’esprit du Blues, que l’on entend dans le Hard Bop n’est pas tellement présent. « Brillant Corners » est un album phare, qui affirme son ancrage Be-Bop, à contre-pied de l’époque, au cours de laquelle, le Jazz évolue vers un esprit plus Soul et Blues.

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