Quel adjectif utiliser pour qualifier le guitariste Sylvain Luc ? Exceptionnel, grandiose, stratosphérique. Les termes sont à la convenance de chacun, mais l’opinion est unanime : sa patte et son apport à la musique sont incontestables.
Jouant depuis son enfance, la musique coulait dans ses veines. En famille, il fait des boeufs, relève des passages de ses idoles, comme Joe Pass.
Son oreille et sa compréhension de la musique étaient exceptionnelles. Même si le travail sur l’instrument est colossal, il entendait les sons et les reproduisait très rapidement.
Sur son premier album intitulé “Piaia”, on entend dès les premières secondes que ce guitariste n’est pas comme les autres. Les arpèges, les voicings donnent parfois l’impression qu’il y a deux guitaristes. Les notes sur la guitare nylon sont toujours claires, sans aucune approximation au niveau de l’attaque.
Quand je réécoute “Partance”, j’entends un toucher parfait. Le guitariste prend n’importe quelle direction, s’amuse à paraphraser les thèmes et à transformer les harmonies.
Amoureux de la Chanson Française, Sylvain Luc adaptait ces grandes mélodies que sont nos standards. Dans“Piaia”, il reprend pendant plus de six minutes “l’Hymne à l’Amour” d’Edith Piaf.
La version de “Syracuse” dans l’album “Duet” avec Biréli Lagrène est aussi une très jolie séquence au cours de laquelle le solo de Sylvain est très épuré.
Tel un peintre qui tisse sa toile, le guitariste explorait les harmonies à partir de mélodies simples ou plus complexes.
Avoir joué aux côtés des grands de la chanson comme Catherine Lara, Georges Moustaki ou Michel Jonas, illustrait sa capacité d’adaptation à n’importe quel style.
Au-delà d’une technique irréprochable, un legato hors du commun et un jeu aux doigts, Sylvain Luc impressionnait aussi par son assise rythmique, ses accords et ses phrases bien déliées.
Tout était impressionnant chez ce guitariste hors normes : l’approche harmonique, la stabilité du tempo, les idées rythmiques foisonnantes.
Coloriste avant tout, il irriguait les notes d’un fond harmonique raffiné.
Il subjugua ses pairs dans le milieu du Jazz notamment lors d’un concert au tout début des années 90, au cours duquel il remplaça Louis Winsberg, au sein du groupe du trompettiste Eric Le Lann.
Si la technique exceptionnelle définit en partie Sylvain Luc, la musicalité qu’il dégageait était infinie. De disques en disques, il surprenait par son toucher et par ses phrasés.
Le duo avec Bireli renferme une version de “Isn’t She Lovely” où on entend Sylvain dérouler un passage en harmoniques artificielles au moyen d’une technique très personnelle proche du slap.
En compagnie du batteur André Ceccarelli et de Jean-Marc Jafet, ils fondèrent le trio Sud qui publia son premier album en 2000. Le solo qu’il fit sur “Jade et Melody” est mélodieux de bout en bout.
La métrique en cinq temps sur “A Night In Tunisia” révèle une aisance et une curiosité sans limites.
Le disque “Ambre” en 2003 renferme de belles surprises. On entend la basse fretless sur “A Child Is Born”, un groove bien chaud sur “All Blues” et une très belle improvisation sur “Ambre”, qui nous emmène vers des chemins mystérieux.
Sylvain Luc pouvait changer d’accordage au cours d’un morceau, il ne s’interdisait rien.
La rencontre et l’amitié sont au coeur de ses aventures musicales même s’ il aimait les risques de l’aventure en solo.
Au cours des nombreuses sessions auxquelles il participait, le guitariste basque étonnait ses amis par son professionnalisme et sa rigueur. Très souvent la première prise suffisait.
Les duos de ces dernières années s’inscrivent toujours dans cette démarche de vouloir étonner, surprendre en gardant en vue l’esthétique et la mélodie.
Avec le saxophoniste Stefano Di Battista, écoutez la “Chanson des Jumelles” figurant sur le disque « Giu’La Testa ». Le morceau alterne entre douceur et swing au sein duquel, l’accompagnement de guitare demande une grande maîtrise.
En 2015, en compagnie de Richard Galliano, la guitare enrobe l’accordéon pour un disque ensoleillé à l’image de “Swing Valse”. L’album intitulé « La Vie En Rose » est un hommage à Edith Piaf.
Avec son épouse Marylise Florid, ils dialoguent en studio pour le disque “D’une rive à l’autre” en 2019.
Sylvain Luc a consacré sa vie à repousser sans cesse les limites de son instrument, en explorant les combinaisons rythmiques harmoniques et mélodiques.
Pour conclure , je reprends les propos de Catherine LARA à son sujet : “Et maintenant, il est musique, il peut jouer n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand, mais pas n’importe comment”.